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Titre du blog : Faire ensemble, vivre ensemble, agir pour la Paix
Auteur : abdelmalik
Date de création : 05-06-2011
 
posté le 08-11-2017 à 00:03:44

le 07 novembre 2017 : Conférence du Rabbin Alain Michel  à l’initiative de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF) de Lyon à la

 

 

 

 Conférence du Rabbin Alain Michel  à l’initiative de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF) de Lyon à la Grande Synagogue de Lyon 2e 

 

 

 sur le thème : « ANTISÉMITISME, PARCOURS HISTORIQUE JUSQU’À L’AFFAIRE DREYFUS ».

 

 

 Des persécutions médiévales à la Shoah, l’antisémitisme semble traverser l’histoire. Dans sa mise en acte sans cesse renouvelée, il paraît un défi au temps et à la raison de l’historien mais aussi de la communauté humaine. 

 

 

 Présentation de l'intervenant, Alain Michel,  par le père Jean Massonnet (Président des Amitiés Judeo Chrétienne)

 

 

 Alain Michel est un historien français né en 1954 à Nancy, qui vit en Israël depuis 1985. 

 

 

 Il est également rabbin du mouvement Conservative et dirige la maison d'édition Elkana, qu'il a créée en 2003.

 

 

 Des persécutions médiévales à la Shoah, l’antisémitisme semble traverser l’histoire. Dans sa mise en acte sans cesse renouvelée, il paraît un défi au temps et à la raison de l’historien mais aussi de la communauté humaine.

Les toutes premières manifestations d’antisémitisme (mais peut-être que le terme est trop fort ici puisque les historiens ne sont pas d’accord en ce qui concerne l’existence d’un éventuel antisémitisme antique ; les deux conceptions antagonistes sont les suivantes : d’une part on trouve les défenseurs de l’idée d’un « antisémitisme éternel » qui apparaît avec la naissance même du judaïsme (Mommsen) et d’autre part une position selon laquelle on ne peut pas vraiment parler d’antisémitisme avant la diffusion du christianisme (PoliakovIsaac)…) donc si l’on veut tout de même trouver des manifestations antijuives antiques, les premières connues dateraient du VIe siècle avant J.-C déjà. C’est en effet à cette date que les Babyloniens vont détruire le premier Temple à Jérusalem, obligeant les Juifs à s’exiler. Cette dispersion du peuple juif, du à cet exil, va largement contribuer à faire du juif un homme apatride, déjà une sorte de marginal et de toute façon quelqu’un qui appartient à une minorité. On sait qu’une forme d’antisémitisme existe aussi dans l’Empire perse au Ve siècle avant J.C. A Eléphantine, en Egypte, on parle de synagogue rasée et de massacres de Juifs. Au IIIe siècle déjà un prêtre égyptien, un certain Manethon, affirme que les juifs ne sont qu’une race de lépreux, il diffuse également d’autres accusations, qui seront reprises tout au long de l’antiquité, parmi elles : la stérilité, l’athéisme (puisque les Juifs rejettent le culte des dieux païens), la misanthropie (parce que les Juifs ne se mélangent pas au reste de la population). A ces propos s’ajoutent encore les pratiques considérées comme barbare de la circoncision ou encore la paresse, puisque les Juifs s’abandonnent à l’oisiveté tous les samedis. Notons que la plupart de ces accusations seront reprise par Alexandrin Apion qui s’est plu à récolter le maximum des rumeurs à l’encontre des Juifs (voir le Contre Apion de Flavius Josèphe (auteur juif du Ier siècle) qui répond à ces accusations).

 

 

 Un autre exemple, à Alexandrie, en l’an 38 de notre ère, les Juifs  représentaient environ 40 % de la population (ce qui les met en compétition avec les Egyptiens hellénisés), ils se voient reprochés le fait de bénéficier d’un régime favorable. Sous Caligula, cette amertume, ce sentiment antijuif débouche sur un véritable pogrom (avec d’ailleurs l’appui du préfet d’Egypte qui sera destitué par l’empereur qui recevra les doléances d’une délégation juive. Trois ans plus tard (41) Claude écrit une Lettre aux Alexandrins leur recommandant une tolérance mutuelle et les instigateurs des troubles furent mis à mort). Notons cependant que ladite lettre de l’empereur fait une distinction entre Juifs et Egyptiens en ce qui concerne les menaces de châtiment.

 

 

 Une des grandes accusations contre les Juifs est celle de double allégeance, puisque outre l’empereur romain, ils reconnaissaient aussi le roi des juifs. C’est un reproche qui sera repris par tous les antisémites qui voient chez les juifs un agent double potentiel. On en veut aux Juifs de ne pas honorer les dieux, de ne pas offrir de sacrifices et d’éviter les mariages mixtes. Il faut bien comprendre que ce genre de propos n’est pas que le fait du petit peuple, des auteurs comme Sénèque, Juvénal, Quintilien, les véhiculent également. D’ailleurs Tacite dit «Tout ce qui est sacré pour nous est profane pour les Juifs, et tout ce qui leur est permis nous est impur». Voilà qui traduit bien une aversion envers les Juifs, reste qu’il faut bien distinguer cet antisémitisme « païen » de l’antisémitisme qui aura cours au Moyen Age, puis celui qui se développera à partir du 19e siècle et qui fait directement appel à la notion de race.  L’antisémitisme païen est essentiellement culturel (donc pas raciste et moins théologique qu’il ne le sera au Moyen Age) et surtout cet antisémitisme païen n’a pas aboutit à une discrimination politique, ou sur des humiliations populaires constante et impunie comme cela deviendra le cas dès le Moyen Age. Inutile de multiplier ici les exemples d’exactions dans l’antiquité à l’encontre des juifs justement parce que la comparaison entre antisémitisme antique et antisémitisme médiéval pose problème.

 

 

 Les Juifs du V au XVe siècles

Au début du Moyen Age, en Europe occidentale, on ne décèle aucun signe particulier d’animosité envers les Juifs. On peut même dire que des liens quasi « fraternels » se sont tissés entre chrétiens et juifs. Mais les Conciles de l’Eglise vont tout faire pour atténuer ces contacts.  Nous verrons que l’élément crucial reste certainement les Croisades. Passons directement aux griefs retenus contre les Juifs au Moyen Age pour mieux comprendre comment évolue la situation des Juifs.

 

 

Les Juifs : peuple «déicide » ?

Cette idée selon laquelle les Juifs ont été les assassins de Jésus va justifier pour des siècles les persécutions à l’encontre des juifs. Cette accusation est « institutionnalisée » d’abord entre le II et le Ve siècle chez les Pères de l’Eglise. La démarche est d’abord celle de discriminer le judaïsme qui, après tout, est un concurrent fâcheux pour une église qui se veut universelle.  L’idée que les Juifs sont non seulement responsables de la mort de Jésus, mais qu’en plus celui-ci a également été trahi par Judas pour de l’argent va nourrir l’aversion à l’égard du Juif. Notons qu’au XVIe siècle, le Concile de Trente a tenté de remédier à ces affirmations. Les Juifs sont disculpés de l’accusation de déicide, mais ce texte ne va avoir que très peu d’effet. La responsabilité collective des Juifs dans la mort de Jésus a été démentie en 1965 seulement, avec la déclaration du Vatican «Nostra Aetate»

 

 

 Les Pères de l’Eglise : un antijudaïsme chrétien.

Dès le IIe et IIIe siècles après la naissance de Jésus, les Pères de l’Eglise vont chercher à attirer les païens et les classes dirigeantes vers le christianisme, mais l’influence des Juifs sur les païens à cette époque était encore forte (les conversions en faveur du judaïsme n’étaient pas rares, rappelons que près de 10% de la population de l’Empire était juive). L’intérêt de ce « christianisme conquérant » était évidemment de renforcer les aspects négatifs des Juifs. Les polémiques qui opposent Chrétiens et Juifs vont s’amplifier entre le IIe et le IVe siècle, notamment au sujet des Ecritures et de leur interprétation.