VEF Blog

Titre du blog : Faire ensemble, vivre ensemble, agir pour la Paix
Auteur : abdelmalik
Date de création : 05-06-2011
 
posté le 10-11-2017 à 23:23:20

le 10 novembre 2017 : Conférence-débat sur le thème : « l'islam d'hier et d'aujourd'hui »par Rachid Benzine au Centre Social Georg

 

 

Conférence-débat sur le thème : « l'islam d'hier et d'aujourd'hui »

par Rachid Benzine au Centre Social Gerges Lévy à Vaulx en Velin  

 

 

 De quoi parle-t-on quand, dans le grand concert des médias occidentaux, on parle d’ « islam » ? La plupart du temps, il s’agit de l’islam comme religion instrumentalisée au bénéfice de tel ou tel pouvoir.

 

 

 Rarement l’islam est approché à partir de ce qu’il est d’abord : une foi et une spiritualité qui ne cessent de nourrir et de faire vivre de manière pacifique et pacifiante des centaines et des centaines de millions d’êtres humains.

 

 

 Plus rarement encore, l’islam est abordé par ses productions intellectuelles contemporaines. L’islam comme réalité spirituelle est ignoré sciemment ou par manque de culture. Pourtant au sein de l’immense monde musulman, de multiples évolutions ne cessent de se produire.

 

 

 

 

 

 

 Ces nombreux penseurs musulmans ne se satisfont pas de renforcer le monde musulman en face des données de la modernité mais ressentent la nécessité de repenser l’islam lui-même. Le Coran est bien pour eux Parole de Dieu et de Révélation. Mais leur intention est de réexaminer la manière dont l’islam a pu se construire historiquement. De revisiter les interprétations successives du message coranique et des autres textes fondateurs (hadiths, sunna, corpus des grandes écoles juridiques…).

 

 

 Ils désirent exposer aux méthodes de la recherche scientifique, y compris les sciences humaines, tous les aspects de l’islam. La plupart de ces penseurs pour bénéficier des conditions d’une nouvelle herméneutique coranique, revendiquent une démocratisation des sociétés musulmanes et une grande liberté de conscience pour chaque individu. En cela ce sont des réformateurs.

 

 

 Attention pourtant de ne pas les comparer à Luther car le protestantisme s’est construit dans l’opposition à une institution centralisatrice puissance, qui n’existe pas dans le monde musulman. Le mouvement vers la Réforme en islam ne date pas d’aujourd’hui. Il y a eu une période de réformisme au milieu du 19ème siècle avec le persan Jamal al-Din al-Afghani, le cheikh égyptien Muhammad Abduh ou, entre 1935 et 1940, avec notamment le Syrien Mohammed Rashid Rida. A cette époque, l’islam subissait la colonisation ; les musulmans s’interrogeaient sur leur retard en matière scientifique et technique.

 

 

 Ces pères fondateurs du réformisme moderne n’adressaient pas leurs critiques sur la manière dont l’islam s’était historiquement construit mais sur la mauvaise pratique de l’islam par les musulmans. Les nouveaux penseurs connaissent un contexte très différents : des pays indépendants livrés à des pouvoirs dictatoriaux supportant mal la moindre prétention à une réforme qui pourrait leur échapper. Ils ont été les témoins impuissants du jeu cynique de l’Occident qui s’est opposé aux mouvements de libération nationale laïques et a favorisé souvent les mouvements fondamentalistes et islamistes avant de les dénoncer désormais.

 

 

 Ces nouveaux penseurs se retrouvent parmi les victimes de l’humiliation constante des peuples arabes qui résulte de la non-reconnaissance des droits du peuple palestinien ou des guerres américaines contre l’Irak. En effet, chaque fois qu’une société arabe se sent méprisée, elle se révèle incapable de la moindre autocritique et se retourne vers ceux qu’on lui présente comme des « détracteurs de l’islam ».

 

 

 Les nouveaux penseurs sont ainsi à la fois la cible des pouvoirs politiques non démocratiques, des savants traditionnels et des islamistes qui n’apprécient pas leur libéralisme et leur dénonciation du concept d’Etat islamique comme résultat d’un détournement des textes. Plusieurs furent menacés de mort, tous furent harcelés, Mahmoud Mohamed Taha fut pendu au Soudan en 1985. 

 

 

 Le rapport à la modernité Les premiers réformistes ont cherché à concilier les acquis scientifiques modernes avec la préservation intégrale du bloc des croyances musulmanes et celui de leurs applications juridiques et sociales, c’est à dire le retour vers les « pieux ancêtres » (salaf) – des salafites, à ne pas confondre avec la signification moderne du mot qui désigne les adeptes d’un islam wahabite des plus rétrogrades.

 

 

 Les nouveaux penseurs perçoivent la modernité sous un jour très différent. Pour eux, elle n’est pas universelle, comme allant de soi ; c’est une faculté construite socialement qui existe au sein de pratiques et de discours multiples. Pour eux, la modernité correspond à une période de l’histoire humaine où la raison et la science l’emportent sur la primauté reconnue hier aux Ecritures, à la tradition et à la coutume. Leur critique de la modernité est aussi vigoureuse que leur critique de l’héritage islamique. Le progrès scientifique et technique n’et pas toujours un allié et la suffisance de l’Occident leur est insupportable.

 

 

 

 

 Ce qu’ils retiennent de la modernité surtout, c’est la lumière critique que les connaissances modernes ont développée. Ils prônent l’incorporation des sciences sociales modernes (linguistique, sémiologie, histoire comparée des religions, sociologie, notamment) dans l’étude de l’islam et de l’interprétation des textes. A.K. Soroush, Mohammed Arkoun (France et Algérie), F. Rahman, N.H. Abû Zayd, A. Charfi etc. viennent du Maroc, de Tunisie, de l’Egypte, d’Afrique du Sud, de Malaisie, d’Inde, de Syrie, du Pakistan.

 

 

 Ils ne tiennent pas le même discours sur les questions religieuses, politiques ou culturelles mais ils ont en commun de vouloir étudier le Coran, la tradition et l’islam en général selon les exigences de l’académisme universitaire, à l’aide de méthodes exactes, recherchant une connaissance indépendante…