VEF Blog

Titre du blog : Faire ensemble, vivre ensemble, agir pour la Paix
Auteur : abdelmalik
Date de création : 05-06-2011
 
posté le 14-04-2018 à 00:33:24

le 13 avril 2018 : Conférence débat avec le Professeur Seddik Larkeche & le Père Christian Delorme au Centre culturel œcuménique

 

 

 Conférence débat avec le Professeur Seddik Larkeche & le Père Christian Delorme au Centre culturel œcuménique Jean-Pierre-Lachaize 39 rue Courteline à Villeurbanne 

 

 

 Le modèle d'intégration à la française est un échec, l'espoir des années 1980 est resté vain. Les revendications de ces années-là, mis en exergue par la « marche des Beurs " suite aux nombreux assassinats racistes anti-Arabes, avaient enclenché une mobilisation sans précédent qui avait permis de poser collectivement la question de la promotion de toute une communauté, y compris dans le champ politique. C'était l'espoir de l'époque. Le mouvement s'est rapidement retrouvé récupéré et a sombré dans un essoufflement, perdant ainsi la légitimité de ses revendications. La gauche française a une lourde responsabilité dans cet échec et doit en tirer les leçons pour l'avenir.

Sur le fond, cette population ressent une ambivalence flagrante. A la fois un sentiment d'appartenance très fort et un sentiment de frustration, sa spécificité, ses origines, ses croyances et son identité ayant été bien souvent dénigrées.

 

 

Le système a tout fait pour les assimiler sous couvert d'une soi-disante égalité des personnes. Il les rejette pourtant d'une manière insidieuse en leur faisant sentir leurs spécificités. Ce modèle assimilationniste s'autolégitime par l'expérience des autres immigrants (italiens, espagnols, portugais, arméniens et polonais) en voulant occulter une double spécificité de cette population. Tout d'abord historique, la guerre d'Algérie et ses effets sur la mémoire collective française sont encore flagrants. La deuxième a trait à l'islam, présenté bien souvent comme une religion archaïque opposée aux fondements de la laïcité et tirée vers le fondamentalisme. 

 

 

 La « diabolisation » de cette religion est renforcée par la médiatisation de certains événements internationaux comme les attentats du 11 septembre, l'agonie des peuples irakien ou palestinien. En réalité, certaines questions s'imposent : qui sont-ils, pourquoi leurs parents sont-ils venus en France, d'où vient réellement cette image trop souvent négative des Arabes de France ?

 

 

 

 

 

 

Sont-ils des Berbères, des Arabes, des Sémites, des Maghrébins ou des Beurs ? En d'autres termes, une multitude de questions relatives à leur identité qui semble avoir été mises en suspens par on ne sait quoi. Même leur dénomination a été galvaudée, le mot « arabe », jugé péjoratif, étant souvent camouflé sous le terme de « beur ». Cette dépersonnalisation les pousse à se vivre comme des hommes sans mémoire et donc sans nom. Elle a contribué à un effondrement du sens civique, en particulier chez les jeunes en quête d'identité et d'égalité. 

 

 

 La matérialisation de cet échec s'exprime dans plusieurs domaines. Une ségrégation face à l'emploi avec le système « bbr » (bleu blanc rouge) dans les ANPE : l'application d'une « préférence nationale » sur le marché du travail n'est plus à démontrer. Les chiffres de l'Ined confirment cette situation. Les Algériens ont 40 % de plus de probabilité d'être au chômage que les personnes de souche française. L'accès au logement est discriminatoire et pousse à une ghettoïsation de cette population souvent parquée dans des dortoirs où le désespoir pousse à tous les excès. Les offices HLM ont tout fait pour que ces locataires ne puissent jamais accéder à la propriété de leurs appartements, ce qui fait qu'aujourd'hui, dans la grande majorité des familles arabes, elles ont payé deux ou trois fois la valeur de leurs appartements sans pouvoir espérer une quelconque progression possible.

 

 

 Une exclusion de la vie politique où l'on constate une quasi-absence de leur représentation dans le système politique français. Noyés dans des administrations où les technocrates usent et abusent de leurs pouvoirs, les quelques rares conseillers techniques beurs sont souvent perçus par les associations comme les « "bounty" ou les arabes de service de la République ". Ils n'ont en général ni pouvoir ni budget, leurs missions étant souvent limitées à la canalisation des énergies.

 

 

 Enfin, la dernière illustration de cet échec, sûrement la plus grave, a trait à l'image et à la représentation de l'Arabe en France. Cette image diffuse, sournoise, est fortement ancrée dans la mémoire collective française favorisant les frontières invisibles où la discrimination s'exprime en profondeur. Par exemple, dans les médias, l'Arabe est souvent assimilé à un délinquant ou à un extrémiste violent qui ne partage pas les valeurs de la République.

 

 

 Aujourd'hui, le problèmes des jeunes des banlieues est, pour l'essentiel, celui des Arabes en France, un problème que l'on hésite à nommer car cela obligerait à soulever la question du devenir de cette population, de ses spécificités et de ses droits. Tout cela est en train d'exploser aujourd'hui parce qu'on n'a pas posé les bonnes questions autour de l'insertion de cette population, on a même créé des ministères de l'Intégration comme si cette population ne voulait pas participer au développement de la France alors que depuis près de cent ans, leurs parents et grands-parents se sont battus souvent au péril de leurs propres vies pour que la France soit plus belle, plus riche et plus forte.

 

 

 Une nouvelle approche de l'insertion des Arabes en France est nécessaire. Les mesures à prendre devraient s'articuler autour de quatre grandes sphères : la mémoire, la discrimination, l'identité et l'insertion économique et politique.

A propos de la mémoire, des mesures concrètes doivent être prises. La décision de célébrer les dates du 17 octobre 1961 ou du 8 mai 1945, des journées commémoratives officielles, a été une bonne initiative. Les exactions françaises commises durant la guerre d'Algérie doivent être reconnues et dédommagées afin d'arrêter les mémoires qui saignent toujours. 

 

 

 En matière de discrimination, il est urgent de travailler dans deux directions, l'éducation et le mélange des populations. Il en faut simplement les moyens et surtout la volonté politique au plus haut niveau. Sur la question de l'identité, la culture arabo-musulmane doit être considérée comme une composante de la culture française. Elle est l'expression de la diversité de la population et, à ce titre, en est un atout, notamment sur le plan international : la France doit pouvoir influer d'une manière plus active sur certaines zones comme le Maghreb ou le Proche-Orient.

 

 

Sur le plan politique enfin, il est nécessaire d'avoir dans la prochaine législature un ou plusieurs députés d'origine arabe mais également des ministres qui permettront de passer à une vitesse supérieure en termes de cohésion sociale et d'identité plurielle française. En rejetant l'idée que le problème serait purement technique, la France aurait beaucoup à gagner pour la paix sociale à reconnaître que le problème est fondamentalement humain et identitaire. Regardons les leçons d'un passé qui n'est pas si lointain, rappelons nous l'histoire coloniale. Evitons de reproduire sur le sol français les erreurs d'autrefois. 

 

 

 Plusieurs rendez-vous ont été manqués par la droite comme par la gauche. Les échéances électorales nous ouvrent une nouvelle chance, elles peuvent permettre au nouveau chef de l'Etat d'engager un véritable projet politique sur ces questions et de reconsolider ainsi la nation française.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Je pense à une autre histoire,  c'est celle de l'esclavage.  La France a beaucoup de mal à se regarder en face, surtout avec nos compatriotes antillais.  L'histoire coloniale,  ne vient pas que de l'Algérie.  La France s'est construite en niant ses réalités,  en niant les particularismes des uns et des autres.  Je rejoins le président de la République quand il dit que la France a commis un crime contre l'humanité en niant la colonisation. 

 

 

 

 

 Puis il y a toutes ces questions autour de l'islam.  Aujourd'hui nous avons un discours qui joue sur les peurs des musulmans. Il y a une histoire très compliquée avec l'islam, mais ça ne date pas d'aujourd'hui,  cela date depuis la naissance de l'islam avec l'empire Ottoman. On ne peut pas aborder cette question de l'islam et de l'islamisme.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 La France avait fait cette mémoire avec mes amis juifs, mais d'un autre côté,  avec mes grands parents,  cette mémoire n'était pas la même. C'était un système, le système colonial,  où la France, écrasait par ce poison. Par contre les victimes algériennes ont besoin de reconnaissance.  Il y a cette question de l'islam,  pour le vivre ensemble,  le rapport à l'islam est un rapport conflictuel.  Mais ces enfants qui sont nés en France,  sont stigmatisés du fait de leur appartenance à la religion musulmane et l'appartenance à la nationalité française.  Aujourd'hui,  en 2018,  peut on être français à part entière. Le lien entre la France et la Palestine est très étroit. 

 

 

Est ce que ce modèle français est une réussite ? Sur ce segment de population.  Ce serait,  les difficultés sociales qui seraient la cause,  le problème du poison est cette difficulté sociale. Je l'ai constaté dans la mémoire collective,  elle s'est particulièrement dégradée depuis ces dernières années.  Avec une particularité,  être musulmans aujourd'hui en France,  c'est être porteur de l'antisémitisme français,  et ça ne permet pas d'être dans le vivre ensemble.  

 

 

 

 

 

 

 

  
Farid L'Haoua, le Père Christian Delorme, Shoki AliSaid et Michel Wilson