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Titre du blog : Faire ensemble, vivre ensemble, agir pour la Paix
Auteur : abdelmalik
Date de création : 05-06-2011
 
posté le 01-12-2019 à 23:48:17

le 01 décembre 2019 : Les Fils d'Abraham invite le Père Christian Delorme pour parler de transgression dans les religions au temp

 

 

Les Fils d'Abraham invite le Père Christian Delorme pour parler de transgression dans les religions au temple Lanterne 10 rue Lanterne à Lyon 1 er 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

le Père Christian Delorme, est né à Lyon le 30 juillet 1950, surnommé « le curé des Minguettes », est un prêtre français de l'archidiocèse de Lyon, très impliqué dans le dialogue inter-religieux, particulièrement avec les musulmans. Il est aussi un des disciples chrétiens de Gandhi, aide la communauté tibétaine en France et a pris position sur la situation des droits de l'homme au Tibet. Dès l'enfance, il est durablement marqué par les actions de Louis Lecoin, des non-violents GandhiLanza del Vasto et Martin Luther King et par les prêtres du Prado solidaires des Algériens de son quartier lyonnais. Après avoir été curé des paroisses de Gerland dans le 7e arrondissement de Lyon jusqu'en septembre 2007, puis d’Oullins et de Pierre-Bénite dans la proche banlieue ouest de Lyon jusqu’en septembre 2014, il est nommé curé des paroisses de Saint Romain, Saint Côme et Saint Damien, à Caluire-et-Cuire

 

 

 Transgresser (du latin transgredi "traverser", "aller au-delà") signifie passer outre les limites imposées par un ordre, une loi, des règles. Cette action de la liberté qui s’oppose à un interdit ou ne respecte pas une obligation est liée à la contestation de ce qui est défini comme socialement ou moralement bon. Il existe des transgressions, porteuses de mal et de destruction. Il y en a d'autres qui permettent de sortir des sentiers battus, de poser des paroles et des gestes forts qui délivrent. 

 

 

 Transgresser (du latin transgredi, « traverser »« aller au-delà ») signifie passer outre les limites imposées par un ordre, une loi, des règles. Cette action de la liberté qui s’oppose à un interdit ou ne respecte pas une obligation est liée à la contestation de ce qui est défini comme socialement ou moralement bon. Mais est-ce toujours un mal ? La conscience ne nous impose-t-elle pas parfois une telle action ?

Tout dépend de la visée de la transgression et de la valeur de la loi ainsi enfreinte. Marcher sur une pelouse interdite pour aller récupérer un ballon n’est pas du même ordre que fabriquer une fausse facture pour détourner de l’argent. 

 

 

Le premier chapitre de la Genèse nous présente Ève transgressant l’interdit posé par Yahveh : «Tu peux manger de tous les arbres du jardin, mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas car le jour où tu en mangeras, tu seras passible de mort.» Pourquoi Dieu pose-t-il à l’homme un interdit ? Ne sait-il pas que l’homme y succombera ? Et l’homme, ne devient-il pas vraiment humain que le jour où il accomplit cette première transgression ? Du coup, n’est-on pas en présence d’une faute «nécessaire», c’est-à-dire pas vraiment une faute ? Et Ève, quel est son rôle ? Est-ce que la Bible met en scène l’«infériorité» de la femme, plus facile à séduire que l’homme ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 À toutes ces questions, il faut répondre que nous ne sommes pas devant un texte historique, mais symbolique. La Bible ne nous raconte pas une histoire qui serait arrivée à nos «premiers parents» ; elle nous livre un enseignement concernant la condition humaine, l’homme, donc, dans sa relation au bien et au mal, à Dieu, aux autres et entre hommes et femmes.

 

 

L’homme trouve avant lui, comme un donné, cette expérience d’un bien et d’un mal qui, tout à la fois, le dépasse et le fonde. Cette connaissance n’est pas spéculative, mais pratique ; elle se fait en s’éprouvant, comme le dit Paul : «Je découvre en moi cette loi : je fais le mal que je ne voudrais pas faire et je ne fais pas le bien que je voudrais faire»

 

 

 En fait, on ne connaît le bien et le mal que dans l’acte de transgression ou d’acquiescement qui leur donne vie et chair. La transgression est donc à la fois inévitable et, pourtant, toujours à combattre. C’est d’elle que naît cette perversion de notre condition, qui nous fait voir la femme et l’homme comme inégaux face au mal et s’accusant l’un l’autre. Le récit biblique est un extraordinaire support pour nous faire sentir toutes les nuances de cet enseignement fondamental et fondateur.

 

 

D’une certaine façon, par une fascination de la liberté, tout interdit suscite le désir et la tentation de la transgression. Dans les Confessions, saint Augustin décrit avec beaucoup de psychologie ce mouvement qui met son plaisir non pas dans le fait d’obtenir les poires du voisin, mais dans le fait même de les voler. Il voit dans cette convoitise la racine du péché décrit par la faute d’Adam. 

 

 

 La loi, et plus largement toute forme de culture, vise précisément à réguler ces instincts naturels pour permettre le « vivre ensemble ». Le petit humain, affronté aux interdits fondateurs, apprend ainsi à respecter l’autre et à entrer dans la socialisation que suppose l’humanité. La question est donc de savoir si la transgression en cause est une régression toujours possible vers l’animalité et la violence (par le meurtre, l’inceste, le vol, etc.), ou au contraire une promotion de l’humain, par la contestation de l’ordre imposé.

 

 

La valeur de la transgression est inversement liée à la valeur ou à la pertinence de ce que la règle cherche à protéger. Notre conscience nous oblige à chercher le bon et le vrai. Comme dit le Concile, elle est en nous le centre secret où la voix de Dieu se fait entendre, nous invitant à faire le bien, à éviter le mal et à aimer. La dignité de l’homme consiste à lui obéir car elle est en nous la trace de la loi fondamentale plus profonde que toutes les normes. 

 

 

 D’une manière générale, la loi (civile ou morale) cherchant à préserver le bien de l’humanité, la conscience y obéira. Conscience et lois vont dans le même sens, car ces dernières sont toujours en quelque sorte le résultat de la réflexion et de l’expérience des consciences humaines dans l’histoire. Mais précisément, puisque ce mouvement est historique, il peut arriver que la conscience s’oppose à une loi qu’elle juge finalement inacceptable ou non adaptée dans une situation donnée. C’est progressivement que la conscience morale a pu saisir l’inhumanité de l’esclavage ou de la discrimination à l’égard des femmes ou des minorités.

 

 

 Lorsque, le 1er décembre 1955, Rosa Parks refusa d’obéir aux ordres du conducteur de bus qui lui demandait de laisser sa place à un Blanc et d’aller s’asseoir au fond du bus, réservé aux Noirs, elle transgressait la loi ségrégationniste de l’État de l’Alabama, mais pour promouvoir une plus grande justice et revendiquer un droit fondamental que la loi bafouait. L’objection de la conscience (ou plus précisément, dans ce cas, la désobéissance civile) se justifie moralement et peut même devenir une nécessité.

 

 

Transgresser la loi peut donc être une manière de refuser une loi mauvaise ou de faire avancer la loi dans un sens plus humain, plus conforme au vrai et au bien. Évidemment, une telle action n’est pas sans conséquence et doit être jugée avec prudence, car elle pose un soupçon sur l’ordre social ou moral existant et peut être le reflet de notre désir égoïste. Les prophètes de la conscience ont parfois payé de leur vie ces affirmations de leur conviction profonde, comme le racontent le mythe d’Antigone ou la biographie des saints.  

 

 

Une autre possibilité de transgression est à vrai dire aussi délicate que la précédente. Elle concerne le cas où se pose un conflit de devoirs. La vie moderne, souvent complexe, suscite des situations où il n’est pas possible de respecter toutes les valeurs en même temps. Tel ingénieur de recherche se posera la question de savoir s’il doit prévenir le public des dangers de son travail ou rester fidèle à son contrat avec l’entreprise qui vient de l’embaucher après des années de chômage. Tel couple se posera la question de savoir s’il peut, pour exercer une paternité responsable et limiter le nombre d’enfants, user d’une méthode de contraception réprouvée par l’Église, alors que les méthodes naturelles lui semblent impossibles.

Le discernement moral en conscience, nécessaire dans tous ces cas, cherchera à favoriser le plus grand nombre possible de biens à promouvoir, sans pouvoir les tenir tous. Saint Thomas en donne un exemple cocasse en disant que nous n’avons pas d’obligation à rendre un objet emprunté lorsque l’homme qui a mis une arme en dépôt chez nous vient la réclamer en affirmant qu’il veut tuer son voisin. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Si la conscience peut parfois nous pousser à transgresser l’interdit au nom même de ce que la loi cherche à promouvoir ou par nécessité de choisir ce qui est humainement le meilleur, il n’en reste pas moins vrai que nous avons une obligation de former notre conscience à la lumière des interdits que la culture et la réflexion morale nous apportent en héritage. C’est la vertu de prudence, inspirée par l’Esprit du Christ, qui doit nous y guider. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors que Luther naît en 1483 dans le Saint-Empire romain germanique règne dans l’Europe de la Renaissance une grande effervescence intellectuelle, artistique et religieuse. Avec la philosophie humaniste, des aspirations nouvelles apparaissent sur le plan religieux. Érasme de Rotterdam écrit dans son Éloge de la folie (1509) : «Il est permis à tout le monde d’être théologien». Ouvert aux idées nouvelles de son époque, Luther remet lui aussi en cause la scholastique. 

 

 

Le jeune moine, entré chez les augustins à 22 ans, est mû par la question du Salut : «Comment puis-je avoir la certitude d’être sauvé?» Il récuse avec force la sécurité facile offerte à la conscience morale par le clergé, qui incite les fidèles à verser une obole en vue d’obtenir des rémissions de peines dans le purgatoire.

Et lorsque le pape promulgue une nouvelle indulgence plénière en vue de la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome, il n’hésite pas à dénoncer la corruption du clergé et fait placarder le 31 octobre 1517 ses Quatre-Vingt-Quinze Thèses sur la porte de l’église de Wittenberg. 

 

 

Il y dénonce la corruption de toute la société engendrée par le commerce des indulgences : «La foi seule sauve et non pas les bonnes œuvres achetées.» Sa protestation ne s’arrête pas là. En digne héritier des humanistes, il remet fondamentalement en cause l’autorité du clergé, jusqu’alors seul détenteur du savoir, en réclamant l’accès direct à l’Écriture. Il commet ainsi sa première transgression. Il va plus loin en reconnaissant la seule autorité de l’Écriture, réfutant l’autorité pontificale. Cette deuxième transgression lui vaudra d’être excommunié en 1520. Un an plus tard, il traduit la Bible en langues vulgaires et notamment en allemand. Relayée par la diffusion que permet l’imprimerie, l’Écriture est désormais accessible à tous les fidèles, latinistes ou non. Mais selon Rome, la plus grande transgression de Luther sera de nier le rôle intercesseur du magistère en donnant l’illusion à chaque lecteur de l’Écriture qu’il est responsable de lui-même. La Réforme protestante est née!