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Titre du blog : Faire ensemble, vivre ensemble, agir pour la Paix
Auteur : abdelmalik
Date de création : 05-06-2011
 
posté le 15-02-2020 à 22:26:30

Le 15 février 2020 : Rencontre Conférence-Débat à la Paroisse St Michel 45 avenue Berthelot à Lyon (7ème) avec les Pères Christia

 

 

Rencontre Conférence-Débat à la Paroisse St Michel 45 avenue Berthelot à Lyon (7ème) avec les Pères Christian Delorme et Jacques Mourad

«L’enjeu des relations chrétiens et musulmans en France et au Proche- Orient» 

 

 

 

 

 

 

 

 

Christian Delorme (Délégué Épiscopal du dialogue inter-religieux prêtre lyonnais, acteur majeur du dialogue inter religieux en France particulièrement avec les musulmans)

Jacques Mourad (Prêtre syrien de la communauté de Mar Moussa présente en Syrie, en Irak, en Italie, auteur du livre : un Moine en otage Moine catholique syrien proche de Paolo Dall’OGlio, le père Jacques Mourad a été otage de Daesh durant cinq mois en 2015. Sauvé des mains de ses ravisseurs par des amis musulmans, il raconte sa captivité et son engagement en faveur du dialogue islamo-chrétien dans un livre à découvrir : "Un moine en otage, le combat pour la paix d’un prisonnier des djihadistes". ) et Mgr Michel Dubost, (Evêque émérite d’Evry, comme administrateur apostolique « sede plena »).


 

 Le père Jacques Mourad, combattant pour la paix

Prêtre et moine syrien, enlevé le 21 mai 2015 par Daech dans son monastère de Mar Elian et détenu en captivité pendant six mois, le père Jacques Mourad est venu témoigner lors de la Nuit des Témoins 2017 de son combat pour la paix.

Que devenez-vous ?

Je suis actuellement en mission en Irak, dans le Kurdistan irakien, dans une ville qui s’appelle Sulaymaniya, où je suis avec le père Jens Petzold qui est la responsable de notre communauté de Mar Moussa. Notre monastère est l’ancienne église paroissiale de la ville.

Nous avons plusieurs activités : une école des langues pour les adultes ainsi que pour les enfants, un groupe de théâtre, un groupe de musique, …

Quelle est la situation dans votre diocèse, votre pays ? Comment a-t-elle évolué ?

Ces dernières années, nous avons accueilli des familles réfugiées de Quaraqosh mais, grâce à Dieu, la majorité d’entre elles sont retournées dans leurs maisons. Notre mission principale être en relation directe et ouverte avec les citoyens kurdes. 

 

  

 Quel souvenir gardez-vous de La Nuit des Témoins ?

Les jours de la Nuit des Témoins que j’ai passés avec vous sont pour moi inoubliables.

Prier pour les prêtres et sœurs martyrs de l’année 2016 m’a touché profondément. Prier avec toute l’Eglise de France pour nos martyrs du monde entier constitue un témoignage de l’unité de l’Eglise.

M’inviter à témoigner la fois de mon expérience dure de captivité et de la situation compliquée en Syrie et de l’Eglise là-bas m’a donné beaucoup de courage ; j’ai médité et pris conscience du soutien apporté aux chrétiens du Moyen-Orient, soutenus non seulement matériellement, mais aussi par la prière. Ce soutien spirituel est ce qui est le plus important pendant un temps de guerre et de misère.

Que souhaitez-vous dire aux bienfaiteurs de l’AED ?

L’engagement de vous tous constitue un grand signe d’espérance pour tous les chrétiens d’Orient. Les aides généreuses que vous envoyez en Syrie et en Irak sauvent la vie de beaucoup des personnes.

Grâce à votre soutien, beaucoup des familles continuent à se soigner, à trouver leur nourriture de tous les jours et à vivre avec patience la situation, en espérant qu’elle connaîtra un dénouement juste, ce qui est le seul chemin pour réaliser une vraie paix dans le pays. Une vraie paix, qui nécessité l’engagement concret d’hommes et de femmes de bonne volonté, ce pour nous quoi  prions le bon Dieu. Je pense qu’il est important de prier pour notre monde, pour des relations justes entre les pays.

Son monastère de Mar Elian, en plein cœur du désert syrien, jadis havre de paix soutenu par le CCFD-Terre Solidaire, est aujourd’hui détruit. Sa communauté chrétienne meurtrie et six millions de ses compatriotes ont fui le pays. Son corps souffre des stigmates de la guerre et de la torture. Son cœur est dévasté…

Comment le père Mourad a-t-il trouvé dans la prière et dans l’amitié sans faille de ses frères musulmans la force intérieure de survivre à l’insoutenable ? Deux ans après son enlèvement par des djihadistes, il prend la parole dans un livre manifeste pour la paix : Un moine en otage, le combat pour la paix d’un prisonnier des djihadistes. Il y crie sa souffrance tout autant que son espérance en un monde qui peut faire le choix de la non-violence, de la rencontre et de la justice.

De la méfiance envers les musulmans à l’amitié profonde

Dans son livre, le père Jacques Mourad retrace l’histoire de sa vie. Aîné d’une famille de cinq enfants, il grandit à Alep. Sa mère d’origine libanaise est maronite, son père est syriaque. Deux générations plus tôt, la famille était orthodoxe. Ses grands-parents paternels ont subi l’exil forcé pour échapper aux persécutions de l’Empire ottoman. « L’héroïsme de mes grands-parents et leur fidélité à la foi chrétienne malgré les épreuves m’émerveillaient » raconte-t-il. Cette histoire tourmentée fait partie des récits familiaux qui bercent son enfance. Jacques vit sa foi d’enfant dans ce « tourbillon œcuménique ».

En revanche, « en dehors du temps scolaire, chrétiens et musulmans ne se croisaient guère. C’était une forme de coexistence pacifique. Il pouvait même y avoir une certaine méfiance mutuelle » raconte-t-il.

Inconsciemment, une bulle sociale et intérieure le tient à distance des musulmans. Mais petit à petit, la vie et les rencontres vont pétrir et ouvrir son cœur. « Ce fut un cheminement. Ce fut une conversion. »

Mar Moussa et Mar Elian : l’appel du désert

Le jeune Jacques souhaite devenir prêtre. A dix-huit ans, il quitte la Syrie pour étudier au Liban où va réellement s’opérer sa rencontre avec l’islam, et changer le cours de sa vie.

Une autre rencontre est décisive, celle du père Paolo Dall’ Oglio, jésuite Italien, ordonné dans le rite syriaque . Un chrétien amoureux de l’islam. C’est lui qui redonnera vie au monastère Deir Mar Moussa al-Habachi, l’un des plus anciens lieux de vie monacale en Orient, abandonné depuis 150 ans.

Eté 1991, le père Jacques répond à l’appel du désert et de la vie contemplative et monastique. Il s’installe à Mar Moussa. Aux côtés du père Paolo, il participe à la fondation d’une nouvelle communauté monastique catholique de rite syriaque, mixte et dédiée au dialogue islamo-chrétien : la communauté Deir Mar Moussa al-Habachi.

Cinq ans plus tard, son évêque l’envoie rebâtir le monastère de Mar Elian, à trente minutes de Mar Moussa, aux abords de la ville de Qaryatayn. Y vivent alors « trois cent soixante-douze paroissiens syriaques catholiques, aux côtés de sept cents orthodoxes, au milieu d’une vingtaine de milliers de musulmans sunnites ». Au fil des années, le père Mourad fait de Mar Elian un lieu de paix, d’accueil et de dialogue. Il devient un homme incontournable de Qaryatayn .

 

 

 

 

 Le 21 mai 2015 tout bascule

En 2015, malgré le conflit qui sévit depuis quatre ans, le monastère est resté « une oasis de paix dans l’enfer de la guerre ». Pourtant de nombreux signes laissent présager le pire. Des combattants djihadistes sont venus demander au père Mourad d’arrêter son école de fanfare. « La musique est haram, elle éloigne de Dieu, elle est l’œuvre de Satan ». De plus, « l’argent coule à flot au cœur du désert asséché. On m’a raconté qu’il venait tout droit d’Arabie saoudite. »
« Qu’on cesse de nous faire croire que ce conflit est une guerre des sunnites contre les chiites, ou du monde musulman contre les pays que l’on dit chrétiens, ou même une résurgence de la guerre froide. Non, ce n’est qu’une guerre comme tant d’autres, pour l’or noir, pour l’argent, pour le pouvoir mondial. »

 

Le père Mourad se sent agité par des « ténèbres intérieures »  : « Je n’en peux plus de ces « qui », de ces « pourquoi » de ces « comment », de toutes ces questions qui résonnent en moi sans jamais trouver de réponse. Pourtant, elles sont bien là, elles m’oppressent. »

Jusqu’au jour où tout bascule. Le 21 mai 2015, deux hommes armés et masqués font irruption dans le monastère. Ils enlèvent le père Mourad et Boutros, un jeune postulant présent ce jour-là. Détenus dans une salle de bain de Raqqa, commencent alors des semaines d’angoisse, de tortures, de profond désespoir. D’empathie, aussi, envers ces hommes qu’il ne comprend pas. Mais au seuil de la mort, son cri de foi va le sauver. Acculé, une lame sous la gorge, il hurle cette phrase qui vient du plus profond de ses entrailles : « Mon Dieu, prends pitié de moi ». Bouleversé, le bourreau renonce à son acte de barbarie.

Le père Mourad est relâché sous conditions, ainsi qu’une partie de ses paroissiens qui avaient également été enlevés. Ils retournent tous à Qaryatayn où ils sont surveillés de près. En réalité, ils sont toujours prisonniers de Daech.

 

Les jeunes filles sont même menacées d’être mariées à des djihadistes. Désormais, la fuite est la seule issue. Sans l’aide de la communauté musulmane, elle est impossible. En secret, et grâce à leurs amis musulmans, de nombreuses familles chrétiennes ainsi que le père Mourad vont réussir s’échapper de Qaryatayn. Les représailles contre ces musulmans complices vont être terribles.

« Je suis moine et prêtre syriaque catholique et ce sont des musulmans sunnites qui ont risqué leur vie pour sauver la mienne et celle de mes paroissiens. Certains de ces amis sont morts parce qu’ils ont voulu nous aider. Ils ont donné leur vie pour nous. »

 

Soyons artisans de paix

La mort dans l’âme, le père Mourad a quitté son pays natal. Il est aujourd’hui réfugié au Kurdistan irakien où il poursuit son combat pour la paix au monastère Maryam el Adrah qui accueille des familles déplacées irakiennes. « Mon peuple est désormais éparpillé aux quatre coins du monde, déplacé par millions dans son propre pays, ou entassé dans des camps de fortune aux frontières, sans eau, sans nourriture, sans hygiène. Je veux être comme lui, je veux vivre comme un réfugié, pauvre parmi les pauvres. Je suis un pasteur : mon devoir est de vivre auprès de mon troupeau martyrisé. » 

Ce livre intense ne laisse pas indemne son lecteur. Face à la violence qui détruit tout sur son passage, il imprègne une sorte de nécessité absolue à être artisan de paix, à répondre à l’urgence du dialogue et de la réconciliation.


 

 

 

Christian Delorme (Délégué Épiscopal du dialogue inter-religieux prêtre lyonnais, acteur majeur du dialogue inter religieux en France particulièrement avec les musulmans) 

 

 

Exposé de Christian Delorme sur la situation géopolitique au moyen orient,  c'est devenu un enjeu pour l'église catholique et pour les populations de diverses confessions musulmanes et chrétiennes.  Le pasteur Martin Luther King disait : "Soit nous vivons comme des frères ou sinon nous mourrons comme des idiots" 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exposé du père Jacques Mourad, cette situation entre chrétiens et musulmans,  c'est une richesse,  Dieu,  dans sa générosité,  a voulu faire des peuples et des communautés différentes, avec une culture différente. Quand la guerre en Syrie a commencé,  j'ai compris que nous étions vraiment en retard,  dans notre mission du dialogue interreligieux.  Nous nous voyons cette violence dans l'islam,  ce fanatisme est un peu de partout.  Nous les chrétiens d'orient,  tout ce qui se passe,  c'est dans le but d'enlever les racines de l'église,  alors que c'est en Syrie est né le premier acte des apôtres.  C'est un projet politique plus dangereux que nous avons vécu dans le 20 ème siècle en Europe.  C'est pour cela qu'il est important de rassembler toutes les données.  

 

 

 Combien c'est important de témoigner ce que nous avons vécu du vivre ensemble et de l'espérance pour obtenir la paix. Je ne suis pas un croisé,  je suis un chrétien sur cette terre de Syrie. La justice, personne ne peut dire que je suis juste.  Quand Jésus était face à Ponce Pilate, il n'a pas répondu,  c'était l'occasion qu'il soit sauvé.  Notre crise actuelle, c'est une crise de l'injustice,  parce que si on continue comme ça,  nous allons détruire notre histoire humaine.  Mais dans la nuit obscure, il y a toujours une étoile qui nous donne une lumière de tout le monde et pour tout le monde. Aujourd'hui, nous avons une responsabilité, nous chrétiens et musulmans pour construire le futur de notre vie ensemble. 

 

 

Le problème que nous vivons pour les chrétiens d'orient,  c'est le manque de confiance,  parce que nous savons que nous sommes minoritaires.  Et pourtant,  nous avons une richesse qui a influencé toute l'histoire de l'église du passé,  nous ne sommes plus capable d'ouvrir nos coeurs vers cette ouverture.  Nos soutiens viennent des chrétiens d'Europe,  nous avons besoin de ce regard pour le futur,  c'est de regarder le futur et de regarder ce message d'amour et de paix avec toutes les communautés telles qu'elles sont.

 

 

 Nous sommes la levure tendre et silencieuse pour que le peuple syriaque, qui a pour langue l'araméen.  A l'époque de l'empire byzantin,  quand les musulmans sont venus pour dominer nos regions, les syriaques ont ouvert leurs portes pour faire la paix. C'est pour donner une idée sur nous.  En Europe,  nous sommes invités à devenir l'esprit saint pour cette vocation d'ouverture et de dialogue,  surtout avec les réfugiés et les migrants musulmans. 

 

 

 La richesse que chaque communauté porte pour cette vraie mission en tant que disciple du Christ,  nous sommes l'exemple de cette foi et de cette discipline pour nous tous.  On peut dépasser cette crise en ayant Dieu en nous.  Il faut combattre l'injustice pour avoir une justice qui soit une miséricorde pour les peuples. Nous avons tous une soif de connaître l'autre,  mais on ne peut pas connaître l'autre si on ne se connaît pas soi même. 

 

 

 

 

Mgr Michel Dubost, (Evêque émérite d’Evry, comme administrateur apostolique « sede plena ») 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  
Guy Leydier Diacre du Diocèse de Valence